Depuis plus de 30 ans, le blanchiment d’argent menace la stabilité du système financier mondial. Malgré la création du Groupe d’action financière (GAFI) en 1989 pour lutter contre ce fléau, le problème persiste à une échelle alarmante.

Selon l’ONU, jusqu’à 2 000 milliards de dollars seraient blanchis chaque année. Un rapport récent de l’Autorité bancaire européenne révèle des lacunes persistantes dans la gestion des risques liés au blanchiment au sein de l’UE, notamment des contrôles internes insuffisants et l’exploitation de disparités réglementaires entre États membres.

Les conséquences sont graves : déstabilisation des systèmes monétaires, fragilisation des institutions financières, remise en question de la légitimité des transactions et perturbation des marchés des changes.

Face à ces défis, les entreprises et institutions financières doivent renforcer leur vigilance. Des systèmes de surveillance avancés, une meilleure formation du personnel et une coopération internationale accrue sont essentiels pour lutter efficacement contre ce phénomène.

Qu’est-ce que le blanchiment d’argent ?

En bref, le blanchiment d’argent consiste à dissimuler la source de fonds mal acquis et à les injecter dans le système financier classique. L’article 324.1 du code pénal en donne la définition suivante :

Le blanchiment d’argent est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.

Code pénal, article 324.1 (2013)

Pour en savoir plus sur le blanchiment d’argent, découvrez notre article de blog Quelles sont les 3 étapes du blanchiment d’argent ?.

Les moyens de lutte des organisations

Le blanchiment d’argent étant par nature transnational, de nombreuses coalitions internationales ont été mises en place pour s’attaquer au problème. Parmi les principaux groupes de lutte contre le blanchiment de capitaux et autres infractions associées, on peut citer le GAFI, le Groupe Egmont (composé de 166 cellules de renseignement financier [CRF]), Interpol, Europol et l’ONUDC.

Différents cadres juridiques et réglementations ont également été créés pour soutenir la lutte contre le blanchiment d’argent. L’Union européenne a ainsi émis une série de directives anti-blanchiment (la plus récente étant la 6e directive LCB-FT) prévoyant différents critères, outils et processus pour les pays de l’UE, leurs autorités respectives et certaines « entités assujetties ».

Une proposition dans le cadre d’un paquet législatif visant à renforcer les règles européennes LCB-FT a également posé les bases de la création d’un organisme supranational, l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux (AMLA), qui devrait être créée cette année et devenir pleinement opérationnelle d’ici 2026.

6 signaux pour détecter une tentative de blanchiment d’argent

  1. Des transactions inhabituelles : des types de transactions atypiques peuvent révéler une manœuvre de blanchiment d’argent. Des transactions très rapides, une augmentation significative de leur fréquence ou de leur valeur, des modèles de structuration cherchant à fractionner les dépôts ou des transactions qui ne correspondent pas aux habitudes du client sont autant d’éléments qui doivent vous alerter et peuvent révéler des activités suspectes.
  2. Le recours à l’argent liquide en grande quantité : l’argent liquide étant le principal vecteur du blanchiment d’argent, les entreprises qui manipulent des espèces sont une cible de choix pour les acteurs malveillants. Ces entreprises représentent une opportunité rare de transférer des fonds tout en bénéficiant d’une surveillance extrêmement limitée et de moyens relativement faciles d’échapper aux contrôles. Les entreprises qui réalisent un important volume de transactions en liquide (casinos, restaurants, épiceries) ou qui n’ont pas de raison apparente de manipuler des espèces (entreprises du BTP, prestataires de services) sont susceptibles de contribuer à des systèmes de blanchiment d’argent. D’importants contrôles ont donc été mis en place dans le cadre de différentes réglementations afin de limiter au maximum le blanchiment d’argent — notamment des seuils de déclaration pour les transactions en espèces, les dépôts ou les retraits.
  3. Certaines relations avec des tiers : trouver les bénéficiaires ultimes des entreprises installées dans les paradis fiscaux est un combat difficile et le restera, en particulier dans les pays où la réglementation est peu précise. Les acteurs malveillants peuvent utiliser des tiers pour créer des chaînes de transactions complexes, impliquant plusieurs comptes ou intermédiaires, afin de masquer les traces et la source des fonds illicites. Certains systèmes de blanchiment font également appel à des structures de propriété internationales complexes et utilisent des sociétés-écrans ou offshore avec des prête-noms pour dissimuler le nom du ou des bénéficiaires ultimes. Les transactions effectuées par des personnes politiquement exposées doivent également être prises en compte lors de la recherche de signaux pouvant indiquer du blanchiment d’argent.
  4. Des zones géographiques spécifiques : certains pays sont plus exposés que d’autres à la corruption, au crime organisé et au blanchiment d’argent, en raison de systèmes réglementaires insuffisants et d’autorités relativement laxistes. Lors du contrôle des transactions, les données de géolocalisation peuvent donc être un facteur à prendre en compte pour détecter des activités suspectes. L’indice de Bâle sur la lutte contre le blanchiment d’argent (Basel AML Index en anglais) et l’indice de perception de la corruption peuvent ici contribuer à mieux évaluer les risques de blanchiment d’argent par pays.
  5. Des systèmes financiers défaillants : « trouver la faille » pourrait être la devise des professionnels du blanchiment d’argent. Corruption, absence de normes KYC/LCB-FT ou cadre réglementaire insuffisant : certains systèmes financiers permettent plus facilement que d’autres de blanchir de l’argent. Et plus précisément, la faiblesse des processus de vigilance raisonnable ou des contrôles internes au sein d’une institution financière est particulièrement intéressante pour les personnes qui cherchent à dissimuler l’origine de leurs fonds.
  6. Le blanchiment d’argent 2.0 : la révolution digitale et l’évolution technologique ont considérablement facilité le blanchiment d’argent, avec des opportunités quasi infinies. L’émergence des cryptomonnaies et des actifs virtuels offre un niveau supplémentaire d’anonymat qui peut être exploité, en plus des échanges décentralisés ou peer-to-peer. À titre d’exemple, on peut considérer comme suspects des fonds transitant par un compte et convertis instantanément en cryptomonnaie.

Les marketplaces du darknet facilitent également les transactions illicites et permettent d’utiliser des identités fictives. Les visiteurs du darknet peuvent dissimuler leur identité ou leur localisation grâce à des protocoles spécifiques, des VPN ou des serveurs proxy.

Quels sont les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et les mécanismes de dissuasion ?

La lutte contre le blanchiment d’argent passe avant tout par un programme LCB-FT solide. Les pays dotés d’un robuste cadre réglementaire LCB-FT appliquent désormais des amendes et des sanctions administratives aux acteurs qui ne disposent pas d’un programme LCB-FT efficace. En France par exemple, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), chargée de surveiller l’activité des banques et des assurances, peut infliger des amendes allant jusqu’à 100 millions d’euros ou 10 % du chiffre d’affaires annuel d’une entreprise.

Pour rester conforme à la réglementation et éviter d’être sanctionné par les autorités, de voir sa réputation entachée ou de risquer une amende, voici trois axes d’amélioration possibles :

  1. Les processus KYC : mettre en place des processus de connaissance client « KYC » ou « Know Your Customer » robustes est indispensable pour toute institution financière. Cela signifie notamment vérifier l’identité des clients, comprendre quelles sont leurs activités et évaluer dans quelle mesure les fonds utilisés lors des transactions sont légitimes. Certains clients considérés comme à risque, tels que les PPE ou les grandes fortunes, peuvent aussi devoir faire l’objet de mesures de vigilance renforcées. Les obligations KYC sont aujourd’hui largement décrites dans des réglementations nationales ou supranationales, telles que les directives LCB-FT en Europe.
  2. Le suivi des transactions et le reporting : le suivi des transactions joue un rôle essentiel dans la lutte contre le blanchiment d’argent, car il permet d’identifier et de signaler les transactions financières suspectes en vue d’une investigation. L’analyse basée sur des règles et sur le comportement, la détection d’activités inhabituelles et la surveillance en temps réel sont autant de stratégies qui peuvent aider à détecter des actions suspectes et servir d’éléments à charge lors d’une enquête.
  3. La collaboration et le partage d’informations : les institutions financières sont tenues d’effectuer des déclarations d’activités suspectes (DAS) via des canaux spécifiques auprès de leurs autorités respectives dès lors qu’il existe une suspicion de blanchiment d’argent. Renforcer les partenariats public-privé est donc l’un des principaux moyens de lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux. Le problème du blanchiment d’argent étant mondial, il nécessite également une coopération internationale et un partage d’informations entre les différents pays et instances de régulation. La collaboration facilite l’échange de renseignements, soutient les investigations et permet de tracer et de récupérer les avoirs illicites au-delà des frontières.

La lutte contre le blanchiment d’argent : un enjeu de sécurité

Le blanchiment de capitaux constitue une menace importante pour l’intégrité des systèmes financiers et peut avoir de graves conséquences pour la sécurité mondiale. Selon le Fonds monétaire international, « les pays avec des dispositifs LCB-FT peu efficaces s’exposent aux conséquences négatives que les grandes organisations criminelles internationales peuvent avoir sur leur croissance économique et leur stabilité financière ».

 

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